B : Alors bonjour Muriel, je suis très contente de parler avec vous ! Qui se présente en première ? Vous commencez ?
M : D’accord okay
B : Ou est-ce que vous préférez le faire en allemand après ?
M : Ah bah …ça m’est vraiment égal, peu importe … On est en français, on va le faire en français. Donc, je suis née …
B : je vous entends relativement mal
M : Ah ! Je vais parler plus fort ! Donc je suis née à Rennes, pur beurre produit breton avec des parents aussi Bretons mais une étonnante attirance pour l’Allemagne alors que rien dans ma famille ne s’y prêtait et ma sœur et moi, on adore l’Allemagne, on adore l’allemand. Quand j’étais petite, en vacances, on allait au bord de la mer à Saint-Cast tous les ans avec mes parents ; il y avait beaucoup de touristes de toutes les langues et quand j’entendais des touristes anglais, je ne supportais pas, je me moquais d’eux, c’est pas gentil mais j’étais toute petite alors on peut excuser et quand j’entendais de l’allemand, ça me faisait rêver, je trouvais ça beau, je pense qu’il ne faut pas chercher plus d’explications que y’en a qui préfèrent Mozart à Beethoven et puis voilà. L’anglais, ça me semblait mou et puis il y avait plein de fioritures et voilà …alors que l’allemand, c’était plus … Et quand ma sœur a commencé à apprendre l’allemand à l’école, c’était pareil, c’était pas par goût, c’était tout simplement parce qu’à l’école primaire on conseillait aux parents des meilleurs élèves de la classe de faire allemand et c’est comme ça que ma sœur à fait allemand et je me souviens que j’ai appris la première leçon de son livre d’allemand par cœur parce que je trouvais ça beau, voilà. Mon rêve quand j’étais toute petite, déjà à l’école maternelle, c’était d’être professeure des écoles, d’enseigner et puis comme j’avais la passion pour l’allemand et bah j’ai réuni les deux, l’enseignement et l’allemand et je suis devenue, j’enseigne l’allemand aujourd’hui, voilà. J’ai deux enfants, un mari qui est chanteur à texte, poète et puis deux enfants qui ont 5 et 6 ans : Clara et Johan, qu’on éduque dans les deux langues, c’est-à-dire que moi je ne leur ai jamais parlé français à mes enfants, je ne leur parle qu’allemand et mon mari leur parle français donc pour l’instant, ils sont bilingues. Et j’en suis vraiment très très heureuse, voilà !
B : Ah c’est très beau, surtout pour les enfants ! Moi, je n’ai pas osé pour les enfants parce que je me suis dit le français que je parle, même si je parle pas mal, ce ne sera jamais un français naturel donc je me suis dit, vaut mieux parler allemand à la maison
M : Ce n’était pas facile comme décision et je ne sais toujours pas si j’ai pris la bonne décision parce que même si j’adore l’allemand etc, ce n’est quand même pas ma langue maternelle et donc voilà, j’espère que je ne regretterais pas un jour et qu’ils ne vont pas me le reprocher un jour mais voilà…
B : Je ne l’ai pas dit pour ça, je trouve ça super intéressant et si ça marche jusqu’à lors, ça sera parce que vous avez pris la bonne décision !
M : Pour l’instant, ça marche super. Eux entre eux, à la maison ils se parlent allemand alors qu’ils vivent entièrement en France et qu’à cause du/dela coronavirus, ils n’ont pas encore pu mettre les pieds en Allemagne.
B : Mais vous allez venir cette année ou l’année prochaine !
M : Oui ! J’espère bien…
B : Quelle région de l’Allemagne vous préférez ?
M : Le Sud parce que c’est ce que je connais le mieux. Quand je suis partie assistante d’allemand un an en Allemagne, j’étais à Weinheim, à côté d’Heidelberg et puis mon lycée, la première fois que je susi allée en Allemagne, c’était dans le Bade-Wurtemberg à XXX. Et après, j’ai rencontré tout à fait par hasard à Saint Cast, une famille qui habitait en Bavière et c’est devenu ma seconde famille en fait, j’allais chez eux tous les week-ends quand j’étais en Allemagne. Et donc je suis et de par mon lycée, j’ai maintenant un partenariat avec deux lycées de Erlangen : le XXX et le XXX, donc je viens -quand il n’y a pas de problèmes sanitaires- tous les ans à Erlangen et c’est vraiment ma région de cœur.
B : C’est-à-dire qu’on aurait peut-être l’occasion de prendre un café ensemble en réalité, dans un vrai café en plus (rires) ! Okay d’accord donc je me présente, j’ai déjà remarqué pas mal de choses que l’on a en commun mais je commence par le début. Moi j’ai 59 ans, je suis née en Allemagne mais pas à Erlangen, à XXX c’est à côté de Francfort, c’est une ville assez moche. Mes parents n’étaient pas de là-bas, mon père est né à Munich et ma mère en Silésie mais la famille des deux côtés a des racines en Franconie, alors pas en Moyenne Franconie mais plutôt dans la région de Wurtzbourg. Mais par de multiples raisons, ils s’étaient promenés (rires). Mais quand j’avais 4 ans, mon père est revenu à Erlangen avec ma mère, qui était prof de français et d’anglais en Hesse mais qui a arrêté puisqu’elle a eu un deuxième enfant quand elle revenue en Bavière, elle a arrêté quand mon frère est né. Elle a travaillé après à la Volkshochschule mais elle a donné des cours d’allemand à des étrangers. Et à la maison, mes parents pour qu’on ne les comprenne pas, nous enfants, ils parlaient anglais et puis plus tard français… ça déjà ça m’a impressionnée et puis ils écoutaient de la musique, des chansons françaises. Donc dès le début, les langues, ça m’a intrigué. Donc c’était « ah ! on peut vraiment communiquer d’une autre façon sans qu’on nous entende » ça peut être intéressant et ça m’a plu. Le son de la langue…J’adorais aussi l’anglais. Et puis, ils parlaient aussi un peu espagnol et italien plus tard …Donc la curiosité pour les langues, c’est plutôt la famille qui me l’a donné, dès le début. ET donc, j’ai fait anglais, français et espagnol au lycée, j’ai passé mon bac en français et en espagnol donc 4 matières, 2 langues. J’ai aussi commencé à apprendre l’italien, un tout petit peu mais je n’ai jamais continué. Et j’ai fait aussi un cours de portugais avant le Bac déjà. Et puis je suis partie à XXX, je ne sais pas si vous connaissez, c’est à côté Ludwigshafen, entre Ludwigshafen et Karlsruhe, de l’autre côté de votre côté du Rhin (rires) et là, il y a une faculté de l’université de Mayence, Mayence se trouvant à 100 km de XXX, c’est une fac de LEA, plus ou moins, c’est ça et donc j’ai fait mes études là-bas. C’est un endroit pas recommandable pour visiter, XXX c’est tout petit : 20 000 habitants mais par contre l’université, à mon époque, c’était une très bonne université et je suis traductrice diplômée. Et déjà en faisant mes études, je pensais à après, non pas faire des traductions toute seule dans un bureau, travailler dans une entreprise sinon enseigner. Et puisqu’il y a à Erlangen une institution qui forme les traducteurs interprètes et aussi des secrétaires trilingues, je pensais déjà à ça…c’est vraiment…c’est fou… Et puis après mes études, encore quelque chose que l’on a en commun, j’étais assistante de langue à Limoges et pendant mon année à Limoges, quelqu’un m’a envoyé une offre d’emploi de cet Institut qui se trouve à Erlangen donc après je suis retournée à Erlangen, j’ai d’bord commencé quelques heures de français et j’ai encore fait des études parce que je n’étais pas tout à fait décidée de vouloir être prof -en plus, c’est un institut privé donc pas public, on ne peut pas être sur de toujours travailler là, c’est ce que je me suis dit- et j’ai fait des études de sciences politiques et sociologie, que j’ai terminé aussi mais je n’ai jamais travaillé dans ce domaine, voilà. Donc je suis restée toujours à cet Institut qui s’appelle IFA et c’est toujours un plaisir ! La moitié des collègues est francophone, anglophone etc. Donc dans la salle des prof c’est très très …comment dire ..en allemand on dirait « bund ». Voilà.
Ok ! Alors, on parle en allemand maintenant ? J’ai vu le message. J’aimerais peut-être rapidement dire que j’ai deux grandes filles qui vivent à Nüremberg. Mon mari est sociologue et travaille ici pour la ville d’Erlangen. Et encore quelque chose d’important à propos de moi : je m’intéresse beaucoup à la politique, et je fais partie du conseil municipal d’Erlangen. Je suis présidente du groupe SPD, oui.
M: Avec monsieur Janik.
B: Oui, monsieur Janik est un bon ami.
M: Je l'ai rencontré quelques fois. Une fois à Rennes, lorsqu'il a rendu visite à notre maire, et chaque fois que nous venons à Erlangen avec les élèves, nous sommes reçus par lui à la mairie.
B : Oui, j'ai déjà montré la mairie à des groupes d’élèves en son nom.
M: Il l’a fait à chaque fois, et ça m’étonne de voir comment il peut le faire à l'improviste sans, ... C'est-à-dire qu'il avait un papier la première année, et maintenant (rires) il parle comme ça ... ça m’impressionne vraiment, il le fait vraiment bien. Il est vraiment bon pour ça.
B: Oui, c'est vrai, mais c'est terrible pour l'interprète car il aime faire des digressions.
M: C’est vrai, c’est vrai.
B: Parce qu'il est, oui... Il pense toujours à de nouvelles choses quand il parle, et bien sûr, c'est intéressant quand il parle, mais je l'ai déjà interprété plusieurs fois et... euh... (Rires) C'est pas si facile, même si je le connais bien d’un autre côté, donc je peux toujours très bien suivre sa pensée parce que je sais ce qu’il veut dire.
M: Oui, je l'ai fait aussi, et je disais toujours « Attendez une minute, je dois d'abord traduire ». (Rire).
B: (Rires).Comment trouvez-vous Erlangen ?
M: Alors, en ce qui concerne la ville, en ce qui concerne l'architecture, je n'aime pas tellement la ville. J'aime Nuremberg, c'est une ville magnifique pour moi.
B: Oui je comprends (Rires).
M: Mais quand je pense à Erlange, je pense aux gens qui y habitent et que j’aime beaucoup. Et maintenant c’est, oui, ce sont des sentiments pour moi maintenant. La ville est désormais associée à des sentiments pour moi. Quand j'ai obtenu le poste dans mon lycée, je me suis dit : « Oh, Erlangen ? C'est dommage, j'aurais aimé découvrir quelque chose de nouveau », mais maintenant je ne veux plus changer, c'est... c'est une bonne chose maintenant.
B: Ok, je partage votre impression. Erlangen n’est pas une ville qu’on visite par intérêt touristique. Il y a beaucoup plus intéressant ici, je veux dire avec Nuremberg et Bamberg, vous ne pouvez pas rivaliser ici dans la région. Et en Bavière, Ratisbonne etc ... non. (Rires) Würzburg est aussi beaucoup plus belle d'un point de vue touristique. Mais je pense qu'Erlangen a une grande qualité de vie, et j'aime le fait qu'ici, un peu comme dans mon collège, il y a beaucoup de gens de différents pays, ils ne sont pas séparés dans des quartier spécifiques. Ils sont ici et vous les rencontrez partout dans la ville et vous entendez toutes sortes de langues lorsque vous vous promenez et j'aime beaucoup ça. Ce climat aussi, où l’on s'intéresse aux gens, à toutes sortes de gens différents. C’est ça qui me plaît et que j'aime dans ma ville. Mais les choses sont différentes à Nuremberg. Oui c'est différent.
M: Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps et il y a un sujet sur lequel j'aimerais beaucoup intervenir, c'était sur la fiche, c'était pour... Oui, gouverner ! Que feriez-vous en premier si vous pouviez gouverner, et il y avait écrit la parité des sexes dans tous les domaines. Et c'est un sujet très important pour moi, et, je sais qu'à Rennes, par exemple, j'ai une collègue à l'école qui est aussi dans le... Oui, elle travaille avec la maire et elle doit déterminer ce qu’on peut faire à ce propos dans les écoles primaires ou maternelles. Par exemple ce qu'ils ont fait jusqu’à maintenant, ils ne voulaient plus que les terrains de jeu soient marqués, alors ils ont éliminé tout ce qui concernait le football. Parce qu'ils pensent que seuls les garçons jouent au football, et que de cette manière toute la cour est accaparée par les garçons, et les filles n'ont plus d'espace. Mais je ne sais pas si ça va beaucoup aider. C'est donc un sujet compliqué, et ce qu’on peut faire, et bien, s'en occuper c'est déjà bien, mais que peut-on faire concrètement pour que ça change enfin ?
B: Oui, je comprends. J’ai aussi lu un peu sur cet exemple précis à Rennes, mais je sais qu'en France, ce que j'admire aussi, c'est la discussion sur "l'espace public". Comment les enfants ou les adultes de sexes différents utilisent-ils l'espace public, et il en ressort que : l'espace public appartient aux hommes et aux garçons. Vous pouvez d'abord affirmer cela scientifiquement. Et puis, bien sûr, vous pouvez penser « d'accord, mais est-ce que c'est bien ? » Je dirais que ce n'est pas bien. Et ce que je sais maintenant, c'est que lorsqu’on conçoit un nouveau terrain de jeu, on demande aux filles « qu'est-ce que vous souhaiteriez» et aux garçons « qu'est-ce que vous souhaiteriez» et on tient compte des deux avis pour le terrain de jeu. Parce que dans le passé, par exemple, on partait souvent du principe que c’était pour les garçons sans demander à personne. Simplement à ceux qui planifiaient l'aire de jeux. Et je ne sais pas maintenant, par rapport à cet exemple de l'école primaire, il faudrait sans doute s’y pencher davantage mais ça se passe probablement ainsi : les garçons prennent l’espace parce qu'ils ont l'habitude que ce soit leur espace. Et on devrait prendre des mesures contre ça.
M: Quand j'étais à l'école, je jouais aussi au football avec les garçons, ce n'était pas un problème pour moi.
B: Moi aussi ! (rires)
M: Eh bien, oui, ce qui est un problème pour moi, c'est que j'essaie de parler à mes enfants de manière à ce qu'ils ne pensent pas "Je dois faire ça parce que je suis un garçon", "Je dois le faire parce que je je suis une fille.. Je suis un être humain et c'est puis tout. Et je les vois maintenant, ... et tout le monde a dit "tu verras avec l'école", et je n’avais pas vraiment cru que ça aurait une influence... Alors, oui, d'où ça vient ?
B: De nous tous.
M: Oui c’est vrai, de nous tous. Et c’est ça le problème, c'est beaucoup plus compliqué que de réaménager une cour de récréation.
B: Oui, je veux dire, en tant qu’élue locale, bien sûr, j'étais préoccupée par ce que la commune pouvait y faire, et il y a un engagement, c'est-à-dire un « gender budgeting » (nb : budgétisation liée au genre). Je ne sais pas si on en parle en France. C'est-à-dire qu’on étudie l'argent que la ville dépense. Combien dépense-t-elle pour les intérêts des filles et des femmes et combien pour les intérêts des garçons et des hommes. Et quand on travaille comme ça, on à ce genre de choses, par exemple : qu'est-ce que je fais avec les cours de récréation, qu’est-ce que je fais avec les aires de jeux ? Et puis tu te rends compte que tant que tu ne t'en occupes pas, c'est toujours automatique : on accorde moins de considération aux femmes.
M: Mais je trouve ça étrange de se demander « Combien d'argent est-ce que je dépense pour les intérêts des hommes et combien pour les intérêts des femmes ? » Normalement, ça devrait dépendre de ci ou ça. Autrement dit, on part de l'hypothèse que « les hommes ont tels intérêts et les femmes ont tels intérêts ».
B: C’est vrai.
M: Et c’est d’ici que vient le problème.
B: Ce n'est pas censé être solidement ancré...
M: Oui, oui, je comprends. Ce n’est pas la réalité.
B: Non, non, de toujours demander concrètement aux gens.
M: Ah, oui, ok.
B: Et puis il faut essayer d'en tenir compte. Je ne sais pas, est-ce qu’au Conseil Municipal de Rennes 50 % des élus sont des femmes ? Parce-que ce n'est pas le cas chez nous, toujours pas.
M: Alors, 50 % exactement je ne sais pas, mais ils essayent de faire en sorte, oui.
B: Oui, il y a aussi des lois en France que nous n'avons pas. Et dans les faits il y a des partis qui ne font siéger que des hommes au conseil municipal.
M: Mmh, ja...
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